Zoo 8 – Artistes variés

Sorti le 15 décembre 2023

Parmi les traditions qu’on retrouve avec joie chaque année, la compilation Zoo du label montréalais Slam Disques est assez haute dans la liste. Des artistes affiliés à l’étiquette proposent un cover en français, généralement à la sauce punk rock et souvent avec une bonne dose d’humour. Mais même si l’exercice n’est pas trop sérieux, il renferme chaque année des petites pépites et Zoo 8 (déjà!?) n’y fait pas exception.

Entendons-nous, ouvrir un album avec une version punk de L’Amérique pleure des Cowboys Fringants, particulièrement cette année, ça frappe pour toutes sortes de raisons. Bon flash à L’Affaire Pélican qui a fait une version somme toute convaincante qui fesse pas pire dans le dash, comme on dit. Ensuite, Slater et Fils joue aussi avec la corde de la nostalgie avec le thème de l’émission Watatatow, mélangée à la musique de The Offspring (on reconnaît aisément Self Esteem à plusieurs endroits dans la première moitié de la piste). Alors que la musique ajoutait de l’intensité aux paroles des Cowboys, cette version ne fait qu’accentuer les paroles qui n’ont pas super bien vieilli, ajoutant au côté ironique de l’exercice. Et au cas où ce n’était pas clair, le groupe conclut la toune avec un bon «Ta yeule, Couillard». Classique!

Règle générale, on apprécie rarement les reprises que propose Rouge Pompier, qui aime jouer avec la limite du bon goût (on se souvient encore de son fameux Viole-moi…), mais cette fois, le duo nous offre Toutes les fois qu’tu t’en vas loin (Everytime You Go Away) de Paul Young dans une relecture plutôt convaincante. Quant à Ripé, on a toujours plaisir à entendre ses reprises en version très québécoise. Cette fois, c’est Breaking the Law de Judas Priest qui y goutte, devenant Péter la loi. Thick Glasses s’attaque quant à lui à Voyage, voyage de Desireless. Le refrain intemporel reste dans la tête, mais il faut admettre que l’enrobage de la version originale ne l’est pas autant, alors la relecture est drôlement bienvenue. (Note : Thick Glasses est reconnu pour aimer les références au «420» et, justement, la piste a la durée exacte de 4:20. On refuse de croire à une coïncidence!)

La déjà étrange C.P.R. blues de Robert Charlebois est reprise par Groovy Aardvark, la mélangeant en prime à une toune de Jane’s Addiction. Le résultat : Le CPR Blues à Jane, un exercice de style pour le moins audacieux, qui n’est pas sans nous rappeler le côté plus explosif des Colocs. Justement, la suivante est Le répondeur des Colocs, interprétée par Mange la Machine. Cette version a sensiblement les mêmes qualités et défauts de L’Amérique pleure : une version plus «rentre dedans», mais à la voix désagréable par moments alors que cela ne s’y prête pas tant.

Zoo 8 nous permet de découvrir quelques chansons au passage, comme Hit Sale du groupe français Therapie Taxi, reprise ici par Fortune Cookie Club. N’était pas un grand fan de l’esthétique de la pop française, on préfère presque par défaut la nouvelle version, bien qu’on n’arrive pas à passer outre les paroles un peu bizarre (qui sont de l’originale). C’est plus réussi avec Copilote (de FouKi et Jay Scøtt), repris par Nick!, dans une version plus rock sans perdre de son charme.

Le duo Oktoplut poursuit quant à lui son projet entamé lors du précédent album de reprendre l’album Insomniac de Green Day de façon intégrale, quelques chansons à la fois. Insomniaque partie 2 offre des versions traduites de No Pride, Bab’s Uvula Who? Et 86. Musicalement, on est très près de la version originale, et c’est même meilleure à plusieurs moments (on parle d’un album de 1995, et ça paraît). Mais on ne comprend que difficilement les paroles, alors que les gars ont clairement pris le temps de les traduire! C’est bien dommage, comme c’est le seul élément plus faible de cette longue piste de 10m43.

Hate It Too s’attaque à Le chat du café des artistes de Jean-Pierre Ferland. Ce n’est pas une chanson qu’on affectionne particulièrement à la base, mais le nouvel enrobage lui donne une toute autre énergie, que l’on ne déteste pas! De son côté Hipshot reprend Encore et encore de Francis Cabrel, crinquant l’intensité de la chanson sans perdre les facettes fortes de la version originale. On a aussi droit à une nouvelle version de Pourquoi faire aujourd’hui de Lisa LeBlanc, reprise par Lionel Groove. Le changement n’est pas assez important pour véritablement se démarquer de l’énergie déjà plutôt comique de l’Acadienne.

Au contraire, Noé Talbot reprend Routine Pain de Spanish Love Songs (et l’intitule maintenant Douleur routinière (Routine Pain)) dans une énergie un peu plus douce que la version originale, du moins dans la majeure partie de la chanson. Les textes sont toutefois plus mis en valeur que jamais et frappent dans le mille. Après une interprétation aussi forte, on change complètement de mood avec Bagnole, à l’origine par Les Marmottes Aplaties, cette fois jouée par Frank Custeau, qui a l’avantage d’avoir une voix infiniment moins agressante que les Marmottes!

Une compilation Zoo ne peut pas se terminer par autre chose qu’un cover impossible de Feuyemobil: le pléonasme de Magog. Voici le titre cette fois : Je voulais faire un cover du vocal de YYZ de Rush et faire une tune de silence, mais le label a dit non facque j’ai faite un cover de Vacuum de Groovy, j’espère que vous allez aimer!. On a l’habitude d’une reprise vocale faite rapidement, mais, cette fois, c’est étrangement très près de la version originale de Vacuum, même si l’artiste trouve que son interprétation de passer la balayeuse pendant une minute n’était «pas tight».

Chaque année, il y a dans cette compilation des tounes ridicules et d’autres qui détrônent facilement les version originales pour tout plein de raison. Dans le cas de Zoo 8, on trouve le dosage particulièrement réussi avec un nombre de chansons incontournables bien plus élevé qu’à l’habitude. On dirait que plus la compilation vieillit, plus les artistes y participant savent qu’elle est attendue et qu’elle sert de carte de visite pour éventuellement convaincre le large publique de prêter une oreilles à leurs «vraies tounes». Et c’est tant mieux, parce qu’on a droit à un bonbon de plus en plus agréable à déguster en fin d’année. Vivement Zoo 9 en 2024!

L’album est disponible sur la page Bandcamp de Slam Disques.

À écouter : L’Amérique pleure, Encore et encore, Douleur routinière (Routine Pain)

8,1/10

Par Olivier Dénommée


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