Les nuages – Ian Kelly

Sorti le 26 janvier 2024

Au fil de sa carrière, Ian Kelly s’est surtout fait connaître pour ses chansons en anglais, probablement à l’exception de Montréal, qui a fait son apparition en 2016. On s’est montré plutôt sévère avec son album Long Story Short de 2019, mais on a quand même tenu à écouter Les nuages, alors qu’il se mouille entièrement en français cette fois. Une beau risque qu’on a pris, puisque c’est à du Ian Kelly en pleine forme qu’on a droit ici.

Pendant longtemps, Kelly semblait plus à l’aise en anglais, mais son projet M. Chandler, avec le Magneto Trio, l’a visiblement amené à davantage écrire dans la langue de Molière et avec plus d’assurance. On n’est donc qu’à moitié surpris d’entendre un album de 11 chansons en français. Toutefois, il était important qu’elles ne soient pas des chansons traduites, dont les paroles finissent souvent par être forcées. Or, ça ne semble pas être le cas ici, ce qui est une très bonne nouvelle. Mieux encore : plusieurs des chansons sont franchement inspirées.

Selon le dossier de presse annonçant la sortie de l’album, Ian Kelly a fait mention de son désir d’enregistrer un album en français où il reviendrait du minimalisme et de l’électro, comme ce qu’il avait fait avec son tout premier album, Ian Kelly’s Insecurity, sans perdre son côté organique. On entend d’ailleurs ce doux côté minimaliste dans Maintenant et ici, en ouverture d’album, avec en prime un refrain plus que solide. Le reste de la chanson n’a pas la même magie, mais il met bien la table pour le reste de l’album, à commencer par la chanson-titre Les nuages, dont la musique légère et enlevante correspond bien au message véhiculé.

Devenir vieux nous ramène à son côté singer-songwriter où il a beaucoup de choses à dire sur une simple musique folk, ce qui est efficace sans être spécifiquement mémorable, à l’exception de la dernière minute, où les arrangements deviennent plus chargés. En revanche, Les entêté.e.s frappe beaucoup plus fort, surtout au niveau des refrains où Ian Kelly y va d’une simple mélodie aiguë mais pas trop forcée. La feutrée Tout à gagner est aussi un petit bijou qu’on apprécie un peu plus à chaque écoute, de même que Le reste du monde, en venant à faire ombrage à J’ai rendez-vous, coincée entre les deux, et aux suivantes, y compris Personne pour écouter, pourtant au refrain plutôt inspiré : il faut dire qu’avec autant de chansons dans un registre similaire, c’est plus difficile de vraiment se démarquer.

C’est à Le plus grand bien que la musique retient à nouveau notre oreille. Tout en restant feutrée, la chanson contient des éléments électroniques efficaces et des mélodies convaincantes. Les textes aussi resteront en tête, tout particulièrement à la fin, avec des lignes brûlantes d’actualité : «On fabrique des batteries pour être plus vert / Mais on les remplit au charbon / Du centre de la Terre» C’était audacieux d’ajouter ces lignes, alors que le reste de la chanson ne semblait pas aller dans cette direction.

Mais pas le temps de trop se poser de questions sur la fin de cette chanson car on passe déjà à la suivante et dernière de l’album, l’entraînante Vie en vidéo. Alors qu’on a eu droit à un album inspiré mais très doux, celle-ci est ouvertement énergique et rythmée. Dès les premières secondes, on se laisse facilement conquérir et il s’agit selon nous une des compositions les plus fortes de Ian Kelly. Après, est-ce que la chanson aurait été plus efficace à un autre endroit qu’à la toute fin? Peut-être, surtout que le reste de l’album manquait qu’un peu de pep à certains et aurait bénéficié d’un petit coup de pouce. Mais cela aurait toutefois eu le défaut de probablement faire oublier les autres chansons l’entourant. Nous n’avons donc pas de réponse magique à donner ici!

Si l’album n’offre pas des vers d’oreille un après l’autre, il livre tout de même une solide performance de Ian Kelly avec une musique qui s’écoute bien du début à la fin, plusieurs textes qui porteront à réflexion, et quelques incontournables qui feront, on l’espère, longtemps partie de son répertoire. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas été aussi convaincu par son travail et on en aurait même pris un peu plus. Un album qui fait du bien à écouter en ce début d’année.

À écouter : Les entêté.e.s, Le reste du monde, Vie en vidéo

8,0/10

Par Olivier Dénommée