
Sorti le 26 janvier 2024
Le 26 janvier a été une grosse journée pour Ian Kelly, qui a lancé non pas un mais bien deux albums simultanément. On avait sauté sans hésiter sur Les nuages, son album de nouveau matériel entièrement en français, mais on a pris quelques jours de plus avant de penser à s’intéresser à l’autre, Speak Your Mind Revisited : on avait déjà critiqué Speak Your Mind, son album de 2008 qui avait lancé le chanteur sur la scène plus grand public et on n’éprouvait pas le besoin de s’y replonger, surtout que les artistes qui reprennent leurs propres chansons ont souvent la fâcheuse habitude de ne pas trop se mettre en danger. C’était une erreur de notre part d’assumer cela parce qu’à part le fait que ce soient les mêmes compositions, les chansons ont bien peu en commun en termes d’arrangements.
On se répète souvent dans nos critiques, mais règle générale, une bonne toune reste une bonne toune. L’enrobage – les arrangements – ajoute bien sûr à la qualité, mais si la structure de base est solide, on peut faire de bien belles choses avec une chanson. Dans l’exercice Speak Your Mind Revisited, Kelly part de ses compostions datant d’il y a plus de 15 ans, les joue dans l’ordre et leur donne au passage une énergie complètement différente. Cette critique s’intéressera essentiellement aux différences entre les différentes versions des chansons.
Dès les premières secondes de Wiser Man, on sent le changement d’énergie; il délaisse ses pantoufles folk et laisse place à des sonorités plus jazz, rappelant par moments un tango. On sent aussi qu’il est entouré de solides musiciens l’accompagnant dans son aventure, qui partagent son spotlight de façon plutôt bien dosée. La chanson est aussi allongée de presque 1 minute, signe qu’on s’amuse à changer quelque peu son format. Notez d’ailleurs que la plupart des chansons de l’album affichent des variations similaires par rapport aux versions originales.
Take Me Home était une de nos chansons préférées de Speak Your Mind. La composition demeure très belle, particulièrement la force de son refrain empreint d’émotions et de vulnérabilité, mais ses forces se retrouvent ensevelies sous les arrangements plus orchestraux qui allongent aussi inutilement la chanson de presque 2 minutes. Cette fois, le minimalisme aurait bénéficié à la chanson dont les émotions parlent d’elles-mêmes. Quant à Complicated, morceau qui ne nous jamais séduit sans être mauvais, les arrangements plus orchestraux lui donnent une saveur intéressante, mais pas au point de la rendre véritablement mémorable!
Brown est partie d’un folk minimaliste plutôt efficace et nous transporte vers un univers planant et vaporeux qui double (!) même sa longueur pour créer cette atmosphère unique. La seconde portion de la chanson laisse place à un peu plus d’instruments, donnant une discrète énergie jazz, mais sans détruire l’ambiance créée plus tôt. Une belle surprise de cet album!
Wonderful Humans a droit à un makeover épique et La Terre va en sens contraire, optant pour quelque chose d’un peu plus feutré que la version originale mais avec beaucoup de cordes, donnant un tout autre sens aux paroles du chanteur, même si on aimait beaucoup l’enrobage initial. On note aussi qu’en une quinzaine d’années, on est passé de 6 milliards d’humains à 8 milliards dans les paroles. Comme quoi Ian Kelly ne s’est pas contenté de réarranger ses chansons. The Sea gagne un long segment instrumental de 2min42 avant que la voix ne fasse son apparition, elle qui arrivait après 7 secondes dans la version originale! C’est un peu long et malgré les passages très réussis, cette version semble laisser place à trop de fla-fla.
Angel ouvrait sur de magnifiques lignes de cordes en 2008, mais on a voulu essayer quelque chose de différent cette fois. Les cordes ne sont toutefois pas bannies de la chanson, elles qui se font entendre un peu partout au fil de la nouvelle version, mais sans jamais avoir le même impact. Elle est suivie de Saturday Morning, autre morceau que l’on avait beaucoup apprécié à l’époque. Le build-up de la nouvelle version la rend presque aussi agréable à écouter, bien qu’on aurait coupé certaines petites longueurs. Quant à Triste, on assume le côté bossa nova de la chanson, qui est loin d’être désagréable. On n’a toutefois pas encore décidé si on aimait la nouvelle version de Sorry, qui délaisse la pop-rock plus qu’efficace pour un morceau lent et larmoyant tapissé de cordes et de piano. C’est un tout autre mood, disons! Enfin, Your Eyes conclut l’opus, avec une montée un peu plus assumée que dans la version originale, mais qui ne fait toutefois pas partie de nos coups de cœur.
On a écrit un long texte qui aurait toutefois pu se résumer à ceci : Ian Kelly reprend ici ses propres chansons, parfois pour le mieux, parfois diluant leur efficacité dans des arrangements trop chargés. Mais en aucun cas on ne pourra l’accuser de juste réenregistrer ses vieilles chansons sans faire d’efforts pour les remettre aux goût du jour. Il est aussi intéressant de souligner que les chansons qu’on avait retenues dans Speak Your Mind et Speak Your Mind Revisited ne sont pas les mêmes.La magie des arrangements aura permis de donner de l’amour à des chansons qui en ont peut-être eu un peu moins à l’époque. On estime quand même que les deux versions des différentes chansons pourront continuer de coexister, notamment en spectacle.
À écouter : Wiser Man, Brown, Triste
7,6/10
Par Olivier Dénommée
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