
Sorti le 13 février 2024
Jusqu’à tout récemment, on n’avait jamais entendu parler de Booster Fawn, projet musical montréalais tournant autour du chanteur Josh Séguin. Versant dans ce qu’il appelle le « heart rock », le groupe a fait paraître en 2023 l’album Dreams Made of Snowflakes et a depuis décidé de réenregistrer 3 des chansons s’y trouvant, dans une version allongée et en français. Le résultat, Pour maman, est pour le moins surprenant.
Mentionnons d’abord la raison d’être du EP : quelques mois après l’enregistrement du dernier album, les gars ont fait évoluer les chansons et ont réalisé que certains morceaux se prêtaient particulièrement bien à de longs jams instrumentaux, ajoutant de l’intensité aux compositions. Aussi, le groupe chantant en anglais a constaté qu’une part importante de son public était francophone et a voulu lui offrir un petit quelque chose.
Ceci étant dit, la première chose qu’on remarque est que Josh Séguin est infiniment plus à l’aise de chanter en anglais qu’en français, et que le mixage des chansons ne lui rend pas justice du tout. Déjà dans les versions originales, il y avait quelque chose de très «cru» dans la voix, qui n’est pas particulièrement mélodieuse, mais qui transporte avec succès une certaine émotion, bien appuyée par la musique. En français, les lignes vocales sont carrément mises de l’avant, bien devant la musique, mettant aussi en évidence toutes ses faiblesses.
Les chansons parlent d’elles-mêmes. À quoi ça sert? (partie de What’s the Point) devient une longue piste de plus de 10 minutes avec des segments musicaux très assumés (et franchement plutôt réussis), mais ce sont les portions chantées qui sautent instantanément aux oreilles, comme si on faisait du karaoké à la place du chanteur sur la musique. Quant aux paroles, elles sont essentiellement composées de conseils de vie répétés comme un mantra, mais ce sont des conseils avec lesquels on peut difficilement être en désaccord, traduits presque mot à mot de la version anglophone. L’efficacité du mixage original avait fait en sorte qu’on n’avait pas nécessairement trop porté attention à ce qui était chanté, mais cette fois c’est impossible de l’ignorer. On ne sait pas si c’est parce que le EP s’appelle Pour maman, mais la ligne «Et jusqu’à la fin, adore ta mère», répétée à plusieurs moments, dont la toute fin de la chanson, est celle qui résonne le plus pour nous.
Y’en aura pas d’facile (Nothing Will Make This Easier) souffre des mêmes défauts, mais a un peu moins de qualités pour compenser : en tant que piste la plus courte de l’album, elle n’allonge que d’un peu plus d’1 minute la version anglaise. Quant aux textes, ils semblent contenir une certaine poésie de plus en anglais alors qu’ils sont beaucoup plus littéraux ici. On doit quand même s’avouer d’accord avec le statement du titre de la chanson, répété ad nauseam à la fin (on a compté 24 répétitions).
Le EP se conclut sur À l’intérieur de toi, à l’intérieur de moi (The Ballad of Fiona Gallagher). Contrairement aux autres chansons, qui gardent un titre relativement fidèle d’une traduction à l’autre, celle-ci met l’accent sur une toute autre partie des paroles. Il faut dire qu’on n’est pas certain de qui est Fiona Gallagher (nos recherches pointeraient possiblement vers un personnage de la série Shameless), mais les lignes «Fiona, maintenant y’a une part de toi à l’intérieur de moi / Fiona, maintenant y’a une part de moi à l’intérieur de toi» nous apportent plus de questions que de réponses. Même la façon avec laquelle le nom Fiona est répété à travers la chanson sonne plus «désespérée» qu’en anglais, du moins à plusieurs occasions. Sinon, la musique demeure plutôt solide.
La première écoute du EP Pour maman a certainement été la plus difficile, alors qu’on n’était pas prêt à un tel résultat. On s’y est quelque peu habitué au fil des écoutes, mais on ne peut s’empêcher de penser que Booster Fawn aurait pu accorder un meilleur traitement pour la voix, au moins similaire à ce qui avait été fait précédemment, ce qui aurait facilité l’expérience en plus de simplement donner un résultat plus professionnel. On comprend l’idée de livrer un côté plus sensible et vulnérable en mettant les paroles de l’avant, mais il y avait certainement une meilleure façon de procéder. Après, musicalement, ça donne une énergie qui nous semble très proche d’un live, ce qui n’est pas inintéressant. Mais si le groupe décide de refaire des chansons en français à l’avenir, il serait important d’y mettre autant sinon plus d’amour dans le traitement vocal que pour une chanson en anglais.
Il est possible de découvrir cet EP sur la page Bandcamp de Booster Fawn.
À écouter : À quoi ça sert?
5,6/10
Par Olivier Dénommée
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