Cool Trad – Nicolas Boulerice

Sorti le 1er mars 2024

Nicolas Boulerice est de ces musiciens qui sont incapables de se retenir de se lancer dans de nouveaux projets. Lorsqu’il n’est pas occupé avec son groupe Le Vent du Nord, il travaille sur des projets en solo ou avec d’autres collaborateurs. Le dernier en lice est l’album Cool Trad, enregistré avec Frédéric Samson, où il tente un parallèle assez audacieux entre la musique traditionnelle et le courant cool jazz.

Il a d’ailleurs accordé quelques entrevues pour discuter du projet Cool Trad, dont celle-ci, qui permet de remettre en perspective les idées derrière le choix des chansons et leur enrobage très minimaliste (souvent simplement contrebasse et voix), laissant donc toute la place à l’émotion des paroles. On ne tombe pas que dans la complainte avec cet album, mais il est vrai qu’une certaine mélancolie émane d’une bonne partie des pistes.

La première, Noa, correspond assez facilement à cette énergie. Les mélodies, chantées sur des arrangements très simples (contrebasse principalement, mais un petit peu de mélodica et quelques percussions très subtiles), laissent place à toute l’intensité du propos. La contrebasse, elle, ne joue pas tout à fait dans un registre jazz, mais ne reste pas dans le trad pur non plus. L’hybride est intéressant de semble ouvrir des portes pour des versions plus flyées en live par exemple.

Notons que malgré les prétentions minimalistes de Cool Trad, cela n’empêche pas d’ajouter des sons au début de certaines chansons, dont Allez, où on entend le son du métro de Montréal, et Exil, avec un bref dialogue entre deux personnes. C’est bien sûr superflu, mais comme l’artiste ne fait jamais les choses au hasard, ces ajouts servent à leur façon à appuyer le propos des chansons. Sinon, Allez est de ces chansons aux textes tellement chargés qu’on en est essoufflé simplement à l’écouter. Elle est suivie du premier single de l’album, Trois beaux garçons, qui se démarque avec l’utilisation d’un guitare basse plutôt que d’une contrebasse, donnant une toute autre énergie à cette chanson. Mais c’est le petit solo de mélodica inteprété par Boulerice lui-même en plein milieu de chanson qui vole la vedette. Quant à Exil, on tombe plutôt dans un registre parlé, simplement appuyé par la contrebasse. Ce genre de chansons vise peut-être un public plus connaisseur, devine-t-on. Fait intéressant, La turlute du cooltrad fait exactement le contraire : la contrebasse reste en place, mais on délaisse les textes parlés pour une mélodie chantée sans paroles. C’est un plus accessible au grand public de cette façon!

Dans La Californie, on a droit à une invitée de marque, la gigueuse Camille Labrèche, dont sa danse fait office de percussions pour l’occasion. Idée intéressante, mais on aurait légèrement diminué le volume de la gigue dans le mix, alors qu’on en vient presque à perdre les voix, pourtant centrales dans la chanson. Testament n’est pas la chanson la plus mémorable du lot, mais elle est quand même parmi celles qui assument le plus leur côté jazz, avec même un petit solo de contrebasse au passage. Et Humains nous ramène au spoken word d’Exil. La différence principale est l’ajout d’un solo de mélodica en deuxième moitié de piste. L’équilibre entre les textes chantés et parlés et plus intéressant dans Saint-Liboire, avec la contrebasse de Samson qui ajoute à l’intensité du propos. La chanson finit toutefois de façon un peu soudaine.

Le Ban fait partie des chansons incontournables de cet album, grâce à une inteprétation inspirée par les deux musiciens, le tout avec simplement la guitare basse et un peu de mélodica entre les segments chantés. Parfois, même avec pas grand-chose, on arrive à des résultats très intéressants! Puis, Sur la route de Montserrat, on s’approche d’une musique à répondre, mais entre le chanteur et la contrebasse. En entrevue, Nicolas Boulerice a admis que la chanson était une petite transgression à l’énergie Cool Trad, et il est vrai qu’elle se distancie un peu du reste de l’album, mais sans être complètement champ gauche non plus. Cela reste une version intéressante. L’album se conclut avec Hymne au quêteux, un mélange intéressant entre deux pièces, une trad, l’autre jazz (d’Oscar Peterson, en plus!). La chanson sans paroles n’est pas très longue, mais elle représente un exercice de style fort intéressant, qui ouvre les possibilités pour la suite, si jamais l’artiste désire poursuivre dans cette lignée d’une façon ou d’une autre.

Ceux qui connaissent bien Nicolas Boulerice savent qu’ils aime surprendre avec ses projets solos (ou en duo dans ce cas-ci). Cool Trad ne fait pas exception. On convient que la musique contenue ici est plus facilement accessible que son précédent album solo, très sombre, mais qu’il faut quand même savoir faire preuve d’ouverture pour plusieurs chansons ici. Même si on ne pense pas que le mouvement «cool trad» va s’implanter de façon sérieuse grâce à cet album, le tandem propose une façon très intéressante de jouer cette musique, en plus de se garder une porte ouverte pour une interprétation en spectacle encore plus éclatée.

À écouter : Trois beaux garçons, Le Ban, Hymne au quêteux

Par Olivier Dénommée