
Sorti le 22 mai 2024
On s’est intéressé dans la dernière année à la musique de Pur Pasteur, alias le pianiste Nathan Giroux, et on était curieux de voir à quoi ressemblerait un album composé en collaboration avec Xavier-Charles Fecteau, un compositeur de musique de jeux vidéo plus proche de la musique électronique. Le résultat est Le voyage d’Héliodore, album alliant habilement ces deux univers.
Le mélange devient un peu moins rare de nos jours, alors que des artistes comme Simon Leoza et Jean-Michel Blais l’ont touché à divers degrés. Décrit comme une «ambitieuse trame néoclassique et électronique», cet album propose aux auditeurs d’entrer dans un «univers cinématographique rétrofuturiste» et il faut dire que l’on imagine très aisément cet univers.
L’équilibre entre les deux facettes varie un peu d’une piste à l’autre. Naturellement, on a un faible pour le piano, et on a le plaisir de constater que l’instrument est bien mis en valeur tout au long de l’écoute. Le début de Prologue (Prophétie I) laisse place à des sonorités futuristes, juste assez mystérieuses et tendues, mais pas particulièrement mémorable. La suivante, Le sentier, laisse toutefois place à la musique la plus inspirée de tout l’album, notamment dans les mélodies au piano et les ambiances créées. C’est sans surprise un des extraits de l’album!
Artaxerxès est elle aussi un single, mais nous propose à nouveau une ambiance mystérieuse, le mot d’ordre de cet album. La surprise survient toutefois dans la 2e moitié, alors qu’on se permet un détour vers le jazz ambiant (la seule vraie incursion dans ce style de tout l’opus), avec même une batterie pour accompagner le piano. La suivante, Le labyrinthe, nous rappelle un peu Never Stop de Chilly Gonzales à cause des lignes de piano créant un certain build-up au fil de cette piste plutôt chargée. On sent d’ailleurs l’intensité de la tension à son maximum dans la dernière minute et demie. Et on ne fait pas ce que veut dire TOI-700 D, mais la pièce est bourrée de sons de l’espace (et de l’eau, à la toute fin).
On aurait considéré TOI-700 D comme un interlude si elle n’était pas immédiatement suivie d’Interlude (Prophétie II), offrant de belles envolées au piano. La suivante, Élisabeth, offre un équilibre intéressant entre la douce musique au piano et les petits effets électroniques généralement bien incorporés, bien qu’ils deviennent un peu trop présents notre goût à l’approche de la fin. Quant à La forêt, elle sonne exactement comme ce qu’on imaginerait d’une composition qui porterait ce titre dans un jeu! Elle est suivie de la pièce la plus longue de l’album, L’Oracle y va d’un morceau lent et très lourd, impeccable si c’est le genre d’ambiance que l’on cherche. Et l’album se conclut sur Épilogue (Ouroboros), terminant l’expérience un peu comme elle a commencé, avec une énergie ambiguë.
Après plusieurs bonnes écoutes de Le voyage d’Héliodore, on doit dire qu’on reconnaît à la fois les concepts un peu abstraits que Pur Pasteur a mis de l’avant par le passé et un style proche des bandes sonores de jeux, la spécialité de Xavier-Charles Fecteau. Cela donne des compositions souvent très intéressantes, mais qui ne s’écoutent pas en toute circonstance, même si c’est ce qu’on a fait pendant environ 48h pour les besoins de cette critique. Le duo ne semble pas chercher à atteindre le plus grand nombre d’auditeurs, et c’est tout à fait respectable, mais s’il cherchait éventuellement à le faire, il aurait une bonne piste avec des pièces comme Le sentier.
Cet album est notamment disponible sur Bandcamp.
À écouter : Le sentier, Artaxerxès, Élisabeth
7,4/10
Par Olivier Dénommée
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