
Sorti le 28 février 2025
À l’occasion, on essaie d’écouter des propositions surprenantes qui vont nous sortir de notre zone de confort. C’est dans cet esprit qu’on s’est intéressé à un album collaboratif entre le multi-instrumentiste québécois Simon Walls, versant généralement dans un registre folk, et les Sacred Wolf Singers, ensemble de chants autochtones dirigé par Tee Cloud, lui-même Mi’kmaq issu de la communauté de Metepenagiag au Nouveau-Brunswick. Cette collaboration a donné naissance à L’nu’k Mawiejik (ce qui pourrait se traduire par «Les gens se regroupent ensemble»), une proposition hybride assez audacieuse entre la tradition et le contemporain.
On a ici affaire à 10 chansons inspirées de chants traditionnels autochtones et qui ont été créées à la base autour d’un tambour et d’une guitare lap steel, avant d’être enregistrée dans la même pièce. Chaque chanson est, en quelque sorte, un voyage à travers divers genres de pow-wow et la collaboration entre Simon Walls et les Sacred Wolf Singers s’étend à d’autres artistes porteurs de tradition d’ici comme d’ailleurs. «Nous voulons que chaque danseur puisse danser, que chaque chanteur puisse chanter et que cette musique puisse amener un public encore plus grand à la grande tradition de la musique pow-wow», commente Simon Walls au sujet de cet album, qui se veut un hommage sincère à cette musique.
Mais concrètement, comment cela se traduit-il sur album? On tente de trouver un juste équilibre entre les 2 univers très distincts, ce qui est souvent risqué, surtout quand on a affaire à un public moins averti. Car, il faut se le dire, si on n’est pas déjà friand des chants autochtones, les premières écoutes de L’nu’k Mawiejik peuvent être difficiles. C’est d’ailleurs un peu ce qui arrive avec la première chanson, Drum Song, qui devient vite chaotique. La bonne nouvelle, c’est que l’ensemble de l’album n’est pas sur le même ton et dès Powwow Crow Hopper on découvre quelque chose de plus accessible en plus d’être entraînant et plein d’espoir. Notons la collaboration de Fakcha Uku (de l’Équateur) et de Tarwa N-Tiniri (des Berbères du Maroc), créant une véritable synergie internationale sans que ça paraisse forcé!
Double Beat revient à quelque chose de plus simple, mais aussi d’assez efficace, avec à la fois des chants autochtones et des lignes plus folk se complimentant plutôt bien, créant un hybride parfait pour s’initier à cette musique. S’ensuit Echoes (encore avec Fakcha Uku), prenant des airs plus blues-rock, loin d’être inintéressants. Mentionnons quand même que le changement de ton dans la 2e moitié n’est pas aussi solide. On aurait préféré quelque chose de plus court mais de très punché. Plus folk, Straight Jingle Side Step s’écoute particulièrement bien. On se laisse ensuite surprendre par Sacred Women’s Traditionnal, chanté en grande partie en français sur une musique douce mais sentie. C’est d’ailleurs la seule fois de l’album que l’on entend Simon Walls en français, mais il se défend aussi bien qu’en anglais alors on se demande pourquoi il ne le fait pas plus souvent, mis à part pour des raisons de vouloir rejoindre un public plus vaste!
Mi’kmaq Intertribal remet les chants autochtones de l’avant, avec en prime la participation de Laura Niquay, puis Qanuilauqqaa invite Juurini pour un folk presque berçant. Le build-up rock’n’roll de Sneak Up est plutôt intéressant, mais on préfère la finale de l’album, la groovy Wela’lioq Gisigu Kitpu, nous amenant à taper du pied à tout coup. Bon choix pour conclure le tout en beauté!
L’nu’k Mawiejik est décidément le genre d’album qui gagne à être écouté à plusieurs reprises pour apprécier les différentes couches et ses nuances. Plus qu’un «simple» album de musique des Premières Nations, c’est une façon généralement très réussie de la rendre plus accessible à un public qui n’a pas le réflexe d’en écouter au quotidien (c’est-à-dire la grande majorité d’entre nous). Pour cela, on lève notre chapeau à Simon Walls et aux Sacred Wolf Singers, de même qu’à tous leurs collaborateurs, qui ont su mener ce projet à terme et qui nous rappellent que c’est aussi ça, de la musique canadienne.
À écouter : Double Beat, Sacred Women’s Traditionnal, Qanuilauqqaa
8,0/10
Par Olivier Dénommée
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