
Sorti le 9 mai 2025
On a commencé il y a un moment à porter un peu plus attention à la musique de Noé Talbot, ce musicien au cœur de punk qui nous impressionne par sa capacité à le traduire en folk francophone senti, et on était bien curieux de savoir où il s’en allait avec son nouvel album Mourir pour le rock, avec un thème apparemment assez différent de ce qu’il a livré auparavant, et une pochette pas mal plus chargée, un clin d’œil assumé à Dookie de Green Day.
La chanson-titre Mourir pour le rock ne se fait pas attendre et ouvre avec un folk-rock sympathique où Talbot nous résume «J’voulais mourir pour le rock, ouais / Mais ça m’est vite passé». On y reconnaît là son style d’écriture, où les rêves de jeunesse se cognent à la dure réalité, avec quand même une dose d’humour et d’autodérision dans les paroles. Si le sujet est un peu moins poignant que de parler de quelque chose d’universel comme une peine d’amour, cela reste du Noé Talbot à son meilleur. Et il parvient même à rester près de son sujet de l’amour du rock et des sacrifices qu’on est prêt ou pas à faire pour réaliser son rêve dans une bonne partie de cet album. Peut-être plus impressionnant encore, il parvient à le faire sans nous tanner avant la fin!
Heure de gloire contient des paroles très imagées de la part de Noé Talbot, mais on trouve la chanson un peu surchargée par l’ajout des lignes de l’artiste d’origine sénégalaise Bo Diaw. Cela nous rappelle tout de même certaines chansons cultes des Colocs. La chanson est suivie d’Interlude 1, la première d’une série de 5 au fil de l’opus. La première permet d’entendre Mononc’ Serge donner un conseil comme seul lui peut en donner. Elle ne dure que quelques secondes et fait vite sourire, mais après quelques écoutes, on aura tendance à les sauter. Cela nous mène à Faire du rock de ta vie, une variation sur le thème de Mourir pour le rock, où Talbot s’ouvre notamment sur ses sacrifices de sa santé mentale pour tenter d’y arriver. Un seul ajout à la chanson est possiblement de trop, celui où il se met en scène en train de laisser un message sur la boîte vocale de sa mère pour lui emprunter de l’argent en attendant de recevoir un chèque. On pense que ça aurait eu davantage sa place comme interlude plutôt qu’au milieu d’une chanson!
Signe vital (qui aurait aussi pu s’appeler Concentre-toi sur l’amour puisque ce sont de loin les paroles les plus souvent répétées au fil de la chanson!) change un peu de ton avec une chanson d’amour chantée en duo avec une voix féminine, apparemment de France, qui n’a pas été identifiée. C’est aussitôt confirmé dans Interlude 2, commençant par le commentaire «Encore une toune d’amour avec une Française, qu’ils se renouvellent, les gars!» avant de laisser place à Annie Major-Matte qui annonce la prochaine chanson à la radio, qui s’adonne à être Papy punk, morceau où Talbot se met en scène avec tous les mauvais côtés de s’investir dans la musique. Il y a tellement de bonnes lignes qu’on peinerait à en choisir une pour illustrer le génie de cette chanson, mais on se risque quand même avec la toute fin, offrant un beau résumé : «Le talent c’est relatif / Tu fais tes horaires, ça c’est sick / Ça reste que le rock c’est tough en crisse». Ah, et sympathique clin d’œil à la chanson Les étoiles filantes des Cowboys Fringants juste avant!
On entend David Daigneault le temps d’Interlude 3 avant d’arriver à Année de marde, une des chansons les plus solides de tout l’album, autant au niveau des paroles crues de Noé Talbot que de la musique qui offre 2 énergies bien distinctes entre les différentes sections. Elle est suivie de la plus intimiste Séries coréennes, où on reconnaît bien le style d’écriture des dernières années de Talbot, que l’on apprécie particulièrement. On sort du thème du rock, mais de temps en temps ça fait du bien! Interlude 4 (avec The Matchup) prépare le terrain pour la suivante, Micheline, qui parle du thème qui nous semble peu exploité des irréductibles vieilles serveuses dans les restos, souvent elles aussi maganées par la vie. La chanson a 2 énergies très distinctes : si les refrains sont assez inspirés et émotifs dans la livraison, la majorité de la chanson est lourde et plus agressive. Oui, la musique correspond au ton, mais Noé Talbot a déjà montré qu’il pouvait traiter de sujets plus lourds avec une musique plus légère pour aider à mieux faire passer la pilule, ce qu’il aurait possiblement pu faire ici aussi!
Le titre Quitter l’Ontario résume quant à lui assez bien le propos sur fonds de rock. S’ensuit Le désert, autre chanson plus légère et ensoleillée (malgré des paroles qui ne le sont pas tout le temps!), ce qui se prend drôlement bien à ce stade de l’album. Après Interlude 5 (la dernière du lot, avec Nick Gagnon), on conclut l’album sur Mon ex. La chanson offre une twist assez intéressante sur ce genre de chansons : en analysant les paroles, on se rend vite compte que Noé Talbot chante les paroles que sa (ou ses) ex aurait pu dire au moment de leur séparation, avec en prime une série de voix féminines entendues à la toute fin pour montrer que c’est bel et bien leur perspective qui est présentée. Le tout menant aux dernières paroles de l’album, «C’est fini».
Pour un album de presque 37 minutes, Mourir pour le rock est une sortie assez chargée de la part de Noé Talbot. On avait certaines réserves à l’idée d’écouter à peu près un album complet sur un même thème, mais le compositeur a fait de la magie, notamment au niveau des textes où il excelle toujours autant. Après de nombreuses écoutes, malgré nos chansons préférées, il faut reconnaître qu’il y a une certaine cohésion dans la proposition, qui prend son sens lorsqu’on écoute l’ensemble. On a seulement fini par sauter les interludes pour pouvoir écouter plus rapidement les prochaines chansons, mais sinon l’ensemble de l’album se défend franchement assez bien.
Cet album est notamment accessible sur la page Bandcamp de l’artiste.
À écouter : Mourir pour le rock, Année de marde, Séries coréennes
7,8/10
Par Olivier Dénommée
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