CHRONIQUE : Cigale, douloureux pour les pieds, agréable pour les oreilles

Le logo de Cigale / Photo : Olivier Dénommée

Par Olivier Dénommée

Ce n’était certainement pas prévu à l’avance, mais j’ai fini par me retrouver au festival Cigale, organisé dans la baie de Beauport, à Québec. La programmation du vendredi 8 août m’a convaincu d’y faire un tour, malgré le fait que Québec est déjà un peu loin à mon goût pour passer une soirée! Et, spoiler alert, même si les performances étaient solides, il est fort probable que ce soit la seule fois que j’y assiste.

La logistique de l’événement y est pour beaucoup : le festival est organisé sur une plage dans un coin perdu à l’autre bout de Québec, entouré d’industries (avec les odeurs qui viennent avec). Jusque-là, ça va encore, tant qu’il y a des moyens efficaces de s’y rendre. Or, je ne peux pas vraiment dire que c’était le cas… Le festival encourage ouvertement de s’y rendre en navette ou à vélo et le stationnement du site est réservé aux festivaliers VIP, ce qui implique un billet 100$ plus cher que le régulier – ça revient cher pour un stationnement! Ne connaissant pas du tout le secteur, je n’avais aucun repère pour trouver les stationnements incitatifs, et je n’étais pas en mesure de me procurer un billet non plus pour entrer dans un bus. J’ai fini par me retrouver, comme beaucoup trop de festivaliers, à plus de 3km du site, et à marcher dans un quartier industriel, à passer à côté d’usines fermées avec leurs stationnements parfaitement vides qui auraient aisément pu accueillir des voitures. En voyant le stationnement de Cigale plein de centaines de véhicules, j’ai compris que cela fait partie de la stratégie du festival : si vous payez le prix ou que vous venez de Québec, vous allez passer un beau festival, sinon allez au diable. Une passe VIP ne devrait pas être un prérequis pour ne pas passer une mauvaise soirée, mais bon!

Désolé pour la brique, mais c’était nécessaire pour vous montrer l’état d’esprit dans lequel j’étais avant même d’entendre les premières notes des musiciens présents au festival. Les regrets m’envahissaient : regret d’être venu à Québec pour me faire mal aux pieds (j’ai la fâcheuse tendance à collectionner les ampoules quand je marche plus de quelques dizaines de minutes), mais aussi regret de ne pas être allé directement sur le site en arrivant en ville au lieu d’aller souper dans le Vieux-Québec en me disant naïvement que «j’avais le temps». Il n’était évidemment pas prévu à mon horaire que le restaurant ait le service le plus lent que j’ai connu depuis longtemps (la bouffe était très bonne, au moins), de me faire virer de bord avant d’arriver sur le site, et aller à la recherche désespérée d’un stationnement de rue et de marcher une quarantaine de minutes pour enfin arriver.

Lou-Adriane Cassidy était au programme à 19h30 et j’avais franchement hâte de la revoir sur scène pour la première fois depuis 2019. Dans n’importe quel autre festival, j’aurais facilement assisté à la totalité de sa performance, surtout que je n’étais pas arrivé à Québec si tard. Je ne suis non pas seulement arrivé en retard, j’ai complètement raté son show d’une durée d’une heure et j’ai même manqué le début de celui de Valence, qui jouait à partir de 20h30.

Valence

Arrivé vers 20h50 sur le site, j’entends que le set de Valence est bien entamé. C’était la toute première fois que j’avais la chance de le voir sur une scène et… il est infiniment plus énergique que tout ce que j’aurais pu anticiper! Valence était «à la maison» (il est de Québec), et ça paraissait : son énergie était crinquée à 11 et il cachait mal son plaisir de jouer dans la région. Ça s’est senti dans son interprétation sentie de ses morceaux qui bougent le plus, mais aussi dans ses nombreuses interactions avec son public. Il a demandé à quelque reprises si «c’était simple ou compliqué, Cigale». Je sais qu’il s’attendait à entendre «simple» spontanément, mais j’ai eu l’impression qu’il a été accueilli par un relatif silence la première fois, avant que les festivaliers acceptent de jouer le jeu, même s’ils ne croient peut-être pas que c’était si simple que ça au fond! Personnellement, j’ai refusé de mentir, alors je n’ai rien dit. Au moins, la musique était contagieuse et plusieurs ont passé un très bon moment, moi inclus.

Valence / Photo tirée du Facebook de Cigale

Et plus ça allait, plus Valence semblait se laisser aller dans le chaos. Vers la fin, il s’est mis à trouver que ses musiciens étaient trop doux et a demandé à la foule de les huer pour qu’ils cessent de «jouer du jazz» et passer au rock. C’était un moment cocasse et quand même divertissant, même si je n’étais pas certain de tout comprendre ce qui se passait. Mention spéciale pour la toute fin de son set : Valence s’est permis une petite prise de position en terminant avec la chanson America, référence assumée à la situation pour le moins incertaine avec nos voisins du sud. C’était simple, mais c’était de bon goût, sans pousser la prise de position trop loin.

Half Moon Run

Lorsqu’il a terminé, à 21h30 tapantes, Half Moon Run est apparu sur la scène juste à côté dans la minute qui a suivi. C’est là que j’ai réalisé à quel point Cigale a mis le paquet pour assurer au public de la musique en continu, sans temps mort. C’était une véritable torture de se rendre sur le site, mais il serait malhonnête de dire que la qualité de la musique ne compensait pas pour ce désagrément. J’ai cessé de compter le nombre de fois que j’ai vu HMR sur scène, mais je sais depuis longtemps que je vais toujours passer une bonne soirée en sa présence.

Et le trio a, comme prévu, assuré. Les gars de Half Moon Run avaient 1h30 pour livrer leur meilleur matériel et n’ont pas gaspillé une minute. Beaucoup de chansons du plus récent album, Salt, étaient au menu, mais on a pu entendre des chansons d’à peu près toutes les époques, et bien sûr plusieurs classiques de Dark Eyes, premier (et selon moi toujours le meilleur) album du groupe montréalais. J’ai presque toujours vu HMR à Montréal, mais j’ai pu constater que le groupe vivait aussi une histoire d’amour avec Québec. Comme à l’accoutumée, le batteur Dylan Phillips est celui qui a le plus parlé en français et a livré un message très touchant au sujet de l’amour reçu par les gens de Québec envers ce groupe anglophone.

Si HMR est un trio, les gars étaient loin d’être seuls sur scène : ils ont fait appel au Quatuor Esca, quatuor à cordes très actif pour appuyer d’autres artistes, de même qu’une petite chorale appelée les «Anges de l’apocalypse». Ce n’était évidemment pas aussi chargé qu’un concert avec l’OSM, mais ça pouvait s’approcher dans certains arrangements bonifiés pour l’occasion.

Sans surprise, les vieilles tounes sont celles qui ont le plus levé. Call Me in the Afternoon a été la première où il a été possible de confirmer qu’à peu près tout le monde connaissait les classiques. On a voyagé à travers les années, et Half Moon Run a même demandé au public la permission de faire un petit jam pour une nouvelle chanson encore inachevée. Peut-être va-t-on avoir un nouveau EP plus tôt que tard?

Half Moon Run / Photo tirée du Facebook de Cigale

La fin du spectacle était toutefois assez peu surprenante : le groupe a fait semblant d’avoir fini, bien avant 11h, heure prévue pour la prochaine performance, ce qui a amené le public à exiger un rappel. Le groupe est revenu pour quelques chansons avec, en prime, un faux début de Stairway to Heaven de Led Zeppelin avant de rapidement passer à la vraie toune que tout le monde attendait : Full Circle, chanson qui va vraisemblablement obligatoirement être jouée à chaque spectacle, généralement au rappel, tant que le groupe existera. Même après la chanson, le public n’en avait pas assez et il y a eu un second rappel, qui a finalement été Sun Leads Me On. C’est pendant cette chanson que j’ai commencé à marcher (bon, plus boiter que marcher, à cause de la douleur aux pieds) afin de retourner à l’auto, 3km plus loin, et enfin revenir chez moi, à 3h de route. Mes excuses à Millimetrik qui suivait, que j’aurais volontiers écouté dans un autre contexte que celui de Cigale.

Conclusion 24h après ma soirée à Cigale : les shows sont vraiment impeccables et ils valent le déplacement, mais à moins que l’organisation fasse de réels efforts pour rendre le site accessible, je ne pense pas y retourner dans le futur. Mais je demeure content d’y être allé malgré tout.


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