Signature Philip Glass – Angèle Dubeau et La Pietà

Sorti le 3 novembre 2023

Il y a quelques années, la violoniste Angèle Dubeau et son ensemble La Pietà avaient démarré une série d’albums consacrés à des compositeurs contemporains. La série Portraits a notamment mis de l’avant les compositions de Ludovico Einaudi, Arvo Pärt, Max Richter et Philip Glass. Dans le cas de Glass, l’album remonte à 2008, mais il restait beaucoup de répertoire qui n’avait pas encore été touché, menant à un autre album lui étant dédié, Signature Philip Glass.

Ce nouvel album laisse place à plusieurs pièces qui n’étaient pas faites pour grand ensemble à cordes, mais qui ont pour l’occasion été dotées d’arrangements sur mesure pour La Pietà. Aussi, contrairement à Philip Glass: Portrait, on n’inclut pas dans l’album des œuvres complètes, mais principalement des extraits plus marquants du répertoire de Glass. Cela donne une rétrospective intéressante de son œuvre.

C’est d’ailleurs sur Glassworks: I. Opening que s’ouvre cet album. Pièce à l’origine centrée sur le piano, elle a été arrangée pour laisser davantage de place à l’ensemble à cordes, contribuant à la rendre encore plus aérienne. Malgré sa longueur (on parle de plus de 7 minutes), la pièce reste un incontournable qui s’écoute sans se lasser.

On passe ensuite à un tout autre registre avec Symphony No. 3: Movement IV, cette fois beaucoup plus près des arrangements d’origine. On a tendance à penser à Glass pour ses morceaux minimalistes, mais celui-ci est beaucoup plus chargé et tendu. La version est convaincante, mais détonne un peu, surtout quand on vient de se laisser bercer par le premier mouvement de Glassworks! D’ailleurs, la suivante est Metamorphosis: II. Metamorphosis Two, Flowing, autre pièce minimaliste qui a eu droit à des arrangements pour cordes afin d’appuyer le piano. Notons qu’à partir du milieu de la pièce, l’intensité monte d’un cran, et l’effet est bien différent lorsque ce sont des violons qui se chargent de la montée plutôt que seulement le piano. Moins reposant, mais aussi très réussi!

Koyaanisqatsi, tirée de la bande sonore du film du même nom, part d’une version avec voix pour devenir entièrement instrumentale. La version d’Angèle Dubeau apporte une certaine finesse à l’œuvre, mais perd en même temps de ce qui faisait la force de l’original. Les différences sont plus légères dans Piano Quintet « Annunciation »: Pt. 1, qui passe simplement d’un arrangement pour quintette à un grand ensemble à cordes sans trop nous dépayser. On se laisse toutefois surprendre par la nouvelle version de Suite from Les Enfants Terribles: II. The Somnambulist, qui laisse beaucoup de place aux cordes alors qu’on a l’habitude d’entendre des versions solo au piano.

On a droit à 2 segments de A Brief History of Time: Signature, puis Utility No. 1. Si on trouve la première trop brève pour être pleinement appréciée, la seconde offre un arrangement berçant qui lui réussit très bien. On aime aussi beaucoup la version toute en douceur de Tea Time, de même que celle de Candyman Suite, nous faisant vite oublier qu’on a affaire à de la musique de film d’horreur, avec l’exception de la dernière minute dont l’intensité explose soudainement.

On s’attaque ensuite à Sonata for Violin and Piano: Movement III, Duo No. 1 for Violin and Cello et Duo No. 4 for Violin and Cello, qui sont réussies, mais sans offrir de grande surprise au niveau de l’interprétation. La version pour ensemble de deux parties de Suite from Bent for String Quartet: II et V. nous marquent davantage avec leur intensité bien dosée, particulièrement pour le mouvement II. L’album se termine avec Epilogue for Solo Violin, qui a droit à un arrangement (légèrement) plus étoffé de la part d’Angèle Dubeau et La Pietà. Le morceau demeure émouvant, mais aurait pu aller un peu plus loin si l’ensemble l’avait désiré.

Est-ce qu’il était pertinent de consacrer un deuxième album à la musique de Philip Glass par Angèle Dubeau? Sans contredit, oui, d’autant plus qu’elle a choisi du nouveau répertoire qu’elle n’avait pas abordé précédemment, preuve qu’il y avait encore beaucoup de matériel à explorer avec La Pietà. La majorité des œuvres ont été arrangées pour un ensemble à cordes, ce qui lui a permis de donner sa couleur à plusieurs d’entre elles. On ne peut pas dire qu’elle ose beaucoup avec des arrangements complètement différents des versions plus précédentes des compositions de Glass, mais pour le grand public qui s’initie à la musique de Philip Glass à travers l’interprétation d’Angèle Dubeau, le dosage est assez bon pour attiser la curiosité et ouvrir la porte à davantage de découvertes. En ce sens, c’est mission accomplie.

À écouter : Glassworks: I. Opening, A Brief History of Time: Utility No. 1, Candyman Suite

8,0/10

Par Olivier Dénommée


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