
Sorti le 15 novembre 2024
Le Quatuor Esca est dans le paysage musical québécois depuis très longtemps, alors que son histoire remonte à il y a 20 ans, à l’époque où il s’appelait Quatuor 4ailes. On ne compte plus le nombre d’artistes qui ont fait appel aux services de ce quatuor à cordes, mais on connaît assez peu l’ensemble pour ses compositions à elles. C’est là que l’album Esca entre en scène, avec 12 pièces écrites spécifiquement pour le groupe.
Les 4 musiciennes sont des interprètes de formation classique hors pair, mais aucune n’est compositrice. C’est ainsi que le groupe s’est associé au duo Les Twenty-Nines (Tony Albino et Julie Lamontagne) pour la composition de pièces sur mesure et pour la réalisation de l’album, dont le processus aura duré 2 années. Cela donne un opus instrumental aux arrangements impressionnants, avec à la fois une facture classique et des intentions plus près de la pop. D’ailleurs, les 4 interprètes ne sont pas seules, alors que les arrangements sont souvent bonifiés de piano, de guitare et de percussions.
L’album ouvre sur l’extrait 4AM, qui nous confronte aussitôt avec la dualité du quatuor : il y a quelque chose de très «urbain» et moderne dans l’approche, tout en ayant des mélodies d’une beauté enlevante. Si quelqu’un s’attendait à un album plutôt classique, il revient très vite sur terre! Le groupe avait envie de lancer un album imagé, cinématographique, et avec cette première piste, on sent une certaine frénésie qui est loin d’être désagréable. Excellente entrée en matière ici.
S’ensuit Carrousel, valse sympathique mais aussi un tantinet plus prévisible – il arrive que les titres trop communs aient cet effet. On préfère l’approche de La traversée, qui laisse place au rêve et à sa propre interprétation, ce qui est généralement souhaitable pour des morceaux instrumentaux. Notons par ailleurs la présence, subtile mais nécessaire, du guitatiste Kaven Girouard, qui ajoute sa touche presque folk sans jamais voler la vedette au quatuor. Exil prend un tempo un plus rapide, mais semble presque la suite logique de cette pièce, ajoutant au passage un côté plus solennel, notamment avec l’ajout des percussions.
Toi y va de mélodies douces et enveloppantes, avant de passer à quelque chose de plus sombre et mystérieux avec Transparence. Le passage peu après 1min30 ajoute un côté très dramatique à la mélodie, une facette intéressante qui n’avait pas encore été très explorée dans l’album à ce stade-ci. That Day fait du pouce sur le côté sombre de la dernière piste, ce qui ne lui empêche pas de livrer des mélodies plus senties et un énergie de plus en plus assumée au fil de l’écoute. Cela permet une transition moins raide avec Vice versa, morceau léger et ensoleillé (avec en prime des handclaps, sonorité ultime des chansons qui se veulent positives) qui arrive à point.
Le soleil laisse vite place à l’ombre de Shadows, puis devient des montagnes russes avec Au loin : le début est plutôt mystérieux, mais la pièce devient rapidement plus chargée et énergique. Énergie qui se poursuit dans Open Road, une toune assumée pour un sympathique roadtrip accompagné de cordes! L’album Esca semble vraiment nous inviter en voyage dans son univers… ou plutôt ses univers! La fin du voyage arrive avec Apesanteur, qui s’annonce par définition très légère, mais qui contient quelques autres surprises, comme un build-up, puis une fin plus lente, résumant en quelques instants les différentes facettes musicales de l’album.
Après 20 ans d’existence, on peut qualifier le Quatuor Esca de «vieux routier» de son registre, mais il est fascinant de penser qu’il ait attendu si longtemps avant de lancer un album comme celui-ci. L’écouter et à la fois étrange et très naturel, d’un côté parce que les musiciennes n’ont pas encore l’habitude de jouer leur propre musique, dévouant leur carrière au service de la vision des autres, de l’autre parce que le dosage est très bon entre le quatuor et l’enrobage plus «pop» qui est ajouté à l’ensemble. Le groupe se dit très fier de cet album et on peut difficilement le lui reprocher!
À écouter : 4AM, Exil, Vice versa
8,0/10
Par Olivier Dénommée
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