
Par Olivier Dénommée
C’est devenu une triste habitude ces dernières années, mais la pluie a une fois de plus été de la partie pendant la 21e édition du festival Chants de Vielles à Saint-Antoine-sur-Richelieu, tenue du 27 au 29 juin. Malgré une météo moins qu’optimale, le moral du public et des musiciens semble être demeuré intact et on y a passé, comme toujours, des moments mémorables.
Arrivé le vendredi en fin de journée, on a pu constater que l’équipe du festival a été clairvoyante et a déménagé les spectacles prévus à l’extérieur sous le chapiteau de la scène Yves-Steinmetz et à l’église du village avant même que la pluie ne s’invite. À en juger par le discours tenu par le président de Chants de Vielles, Nicolas Boulerice, et par l’enthousiasme des dizaines de participants à la «Session du Chevreuil», une fête rassembleuse où les musiciens de tous horizons étaient invités à se joindre à un Michel Bordeleau au sourire contagieux pour jouer du trad ensemble avant le début du grand concert de la soirée. On a aussi remarqué que plusieurs personnes s’intéressaient tout particulièrement à un artiste cette année : Jourdan Thibodeaux, venu tout droit de la Louisiane et fier défenseur de la langue française, qui a marqué les esprit de certains festivaliers plus nationalistes qui font eux-mêmes de la défense du français leur priorité. Sa simple présence a certainement renforcé la ferveur de plusieurs personnes!

Bref, le festival n’était pas tout à fait commencé qu’on savait déjà qu’on allait passer un très, très beau moment.
Vendredi : Germaine / Solstice / Le Rêve du Diable
Le premier grand concert de l’édition s’est tenu le vendredi soir à l’église de Saint-Antoine. Le festival a invité le groupe féminin – et ouvertement féministe – Germaine en ouverture et l’accueil a instantanément été chaleureux : chacune des prises de position des filles de Germaine a été accueillie par une pluie d’applaudissements, autant lorsqu’elles soulignaient que les femmes n’avaient pas toujours eu une voix dans le trad que lorsqu’elles rappellent que le droit à l’avortement n’est pas toujours garanti lorsqu’un gouvernement rétrograde prend place… Ce ne sont pas toujours des discussions agréables à avoir, mais les filles ont réussi à les aborder de façon rassembleuse.

Musicalement, elles sont aussi solides que sur album. Le principal bonus : on a l’occasion de voir à quel point elles sont expressives, ajoutant un certain côté comique à leur interprétation, et on a pu les voir giguer à plusieurs occasions. Seule déception pour notre part : on espérait que Germaine joue Le mari qu’elle voudrait, hilarante chanson parfaite en festival, mais il semble que le groupe ait manqué de temps et ait du faire des choix. Dommage, ça aurait conclu en force le set de Germaine!
Le groupe suivant était Solstice, trio que nous ne connaissions que de nom… et quelle révélation! Entre le Canada et l’Irlande, le groupe tourne depuis longtemps partout à travers le monde avec sa musique celtique parfois étourdissante. L’étoile du groupe est sans contredit Dave Gossage, jouant de la flûte et du sifflet comme pas un, livrant des solos si intenses qu’on se demande s’il oublie parfois de respirer, et le public a applaudi avec force chaque fois qu’il épatait la galerie. Le trio s’est aussi permis des chansons plus grand public, comme Whiskey in the Jar ou encore Drunken Sailor. Ce n’est qu’à la toute fin, au rappel, que Solstice a offert une chansons plus douce après un set très énergique.

Et le clou de la soirée? Le Rêve du Diable, formation dorénavant légendaire qui existe depuis 51 ans déjà. Le membre fondateur Gervais Lessard et ses musiciens n’ont rien perdu de leur talent, ni de leur humour parfois grinçant comme il s’en faisait dans les années 70. Le son des micros n’était pas toujours optimal et il était parfois difficile de comprendre tout ce qui était dit entre les chansons, mais l’esprit était intact. Avec l’heure qui avançait, on n’a pas pu rester jusqu’à la toute fin, mais on a eu le temps de voir l’apparition du Chevreuil Michel Bordeleau le temps d’une chanson.

Dimanche : Grosse Isle / Daniel Bellegarde / Le Vent du Nord
La vie étant ce qu’elle est, on n’a pas pu aller à Saint-Antoine le samedi, mais on en a entendu beaucoup de bien, malgré la pluie (encore). Comme prévu, la performance de Jourdan Thibodeaux a beaucoup fait jaser, et c’était même le coup de cœur de Michel Bordeleau, lui qui était non loin de tout ce qu’il y avait à avoir au cours du festival.
Il restait toutefois la journée du dimanche, exceptionnelle pour une raison : il faisait (enfin) beau et chaud! Mieux veut tard que jamais, mais ce n’est qu’à ce moment que la scène principale, la scène Jean-Paul Guimond, a été inaugurée cette année. La configuration a quelque peu changé : on a quitté le quai du village pour un parc à quelques dizaines de mètres de distance, permettant au public de s’asseoir dans le gazon plutôt que sur l’asphalte, avec en contrepartie une scène apparemment un peu plus petite que par le passé. Les heures ont aussi été devancées le dimanche, pour permettre aux festivaliers de rester jusqu’à la toute fin de Chants de Vielles sans trop le regretter le lendemain, une très bonne décision de l’organisation à une exception près : il faisait trop clair pour mettre en valeur les éclairages sur la scène, ce qui enlève une part de magie à un spectacle.
La scène a été inaugurée par le trio Grosse Isle, mélangeant les traditions québécoise et irlandaise, et a présenté ses nouvelles chansons devant un public visiblement de bonne humeur. Les différents instruments joués par l’Irlandais Fiachra O’Regan, dont la cornemuse, ont certainement retenu l’attention.

Le spectacle de Daniel Bellegarde arrivait à point dimanche, avec sa musique métissée inspirée des Antilles, parfaite pour la météo ensoleillée qui attendait Chants de Vielles. Le percussionniste qui a joué avec à peu près tout le monde à Montréal était celle fois celui qui invitait ses amis à se joindre à lui sur scène. Bellegarde est aussi un vrai entertainer, interagissant constamment avec le public réceptif. Sur scène à ses côtés, on a notamment reconnu Alexandre de Grosbois-Garand, multi-instrumentiste que l’on suit depuis quelques années déjà. Ce dernier a eu la visite de sa conjointe, Mélisande Gélinas-Fauteux, et de leur fils Émile (qui se défend incroyablement bien pour un jeune de 16 ans!) le temps de quelques pièces, donnant lieu à un très beau moment de communion autour de la musique traditionnelle. Daniel Bellegarde n’est décidément pas celui qui a peur de mettre la lumière sur les autres. Par la suite, il a aussi invité sur scène Fiachra O’Regan (qu’on a vu juste avant avec Grosse Isle), poursuivant le métissage entre les différentes cultures.

Le Vent du Nord est un groupe chouchou à Chants de Vielles, ce qui n’est pas anormal sachant que le festival a été fondé par un de ses membres et que les musiciens sont eux-mêmes très impliqués dans l’organisation, mais on a pu constater à quel point il y a une chimie naturelle entre Le Vent du Nord et les festivaliers, même pendant qu’on allait se chercher à manger : les gens cherchaient à acheter le repas le plus rapide possible pour retourner devant la scène principale aussitôt afin de ne rien manquer! En prime dimanche, le groupe avait de toutes nouvelles chansons à offrir, lui qui a récemment enregistré un album à paraître dans les prochains mois.
L’énergie ne ressemblait pas du tout à une fin de festival, au contraire, et autant les musiciens que le public étaient gonflés à bloc. Il y a bien eu quelques petits problèmes sonores le temps d’une chanson, mais ils se sont réglés aussitôt et tout a été rondement par la suite. Mention aussi à la visite de 3 gigueuses venues danser le temps d’une chanson, et, bien entendu, celle du Chevreuil Michel Bordeleau, qui ne pouvait pas manquer la chance de rejoindre le groupe le temps de quelques chansons lorsque le public a exigé que Le Vent du Nord revienne sur scène. Force est de constater que le groupe a sa signature sur album, mais que c’est véritablement sur scène qu’il brille le plus et qu’il transmet toute sa fougue. Ça valait franchement le détour.

C’est ainsi que se termine notre couverture de la 21e édition de Chants de Vielles. On s’en doutait, mais l’organisation invite déjà le public à se préparer à revenir l’an prochain pour une 22e édition. À moins d’un cas de force majeure, on compte bien être de la partie.
À venir prochainement : un petit album de nos photos préférées prises pendant notre passage à Chants de Vielles.
(Toutes les photos : Olivier Dénommée)
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